Présentation au Comité permanent de la santé
Étude sur la santé des femmes
Novembre 2023
L’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) est ravie de soumettre ce mémoire à l’appui de l’Étude sur la santé des femmes du Comité permanent de la santé. Nous constatons cependant que, parmi ses 12 membres, ce Comité compte 11 hommes. Il est troublant de voir que le Comité ne réalise pas les objectifs de parité de notre gouvernement malgré les tentatives d’équilibrer la représentation féminine via des échanges de postes. Nous incitons vivement les députés de tous bords politiques à privilégier la parité dans le choix des membres de comités, afin d’éviter tout recul dans notre lutte commune.
Résumé des recommandations :
- Lutter contre les inégalités de santé persistantes chez les femmes marginalisées et vulnérables.
- Collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour développer une stratégie d’amélioration de la santé des femmes âgées au Canada.
- Mettre en place des politiques et dispositions pour prêter secours aux victimes de violence sexiste et prévenir leur victimisation avant toute chose.
- Collaborer avec les provinces et territoires pour procurer un accès juste aux soins d’avortement.
- Protéger les intérêts et les droits des Canadiennes et Canadiens LGBTQ+ en travaillant avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour améliorer l’accès aux soins d’affirmation du genre.
Femmes marginalisées et vulnérables
L’ACTS appelle le gouvernement fédéral à lutter contre les inégalités de santé persistantes touchant les femmes marginalisées et vulnérables.
Les femmes autochtones rencontrent souvent des difficultés dans l’accès aux soins de santé, tout comme les femmes racialisées, rurales, nordiques, victimes de violence, immigrantes, mères célibataires, LGBTQ+, à faible revenu et handicapées. Leur position à l’intersection du genre, de la race et de la classe sociale les place en situation de désavantage accru.
Au Canada, les femmes marginalisées et vulnérables font face à plusieurs défis. Elles ont un accès limité aux soins de santé en plus de souffrir de maladies chroniques et de troubles psychiques. De plus, elles font l’objet de discrimination.[1],[2],[3]
Femmes âgées
L’ACTS appelle le gouvernement fédéral à collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour établir une stratégie d’amélioration de la santé des femmes âgées au Canada.
Au Canada, les femmes âgées font face à des enjeux de santé spécifiques. Il est primordial d’adapter nos soins à ces besoins, surtout avec le vieillissement de la population. Passé 65 ans, les femmes sont plus souvent en mauvaise santé que les hommes (30,9 % contre 27,7 %).[4]
Les femmes âgées sont plus sujettes que les hommes à diverses maladies chroniques comme l’ostéoporose, la polyarthrite rhumatoïde, la démence, l’asthme et l’arthrose.4
Durant la pandémie, les femmes âgées ont signalé deux fois plus de symptômes dépressifs que les hommes. Ce fait met en lumière l’importance du soutien en santé mentale.[5] Déjà prédominante avant la pandémie, l’apparition de problèmes mentaux chez les femmes âgées continue de sévir.
Les femmes immigrantes âgées au Canada sont plus susceptibles de souffrir de solitude, laquelle peut nuire à leur santé mentale. Ce risque accru découle de facteurs tels que les transitions familiales, le manque de relations sociales, les difficultés économiques et la charge d’un conjoint dépendant.[6]
Violence sexiste au Canada
L’ACTS vise un Canada sans violence ni oppression sexiste. Nous militons pour des lois, politiques et procédures qui soutiennent, renforcent et protègent la dignité et la sécurité des femmes et des filles.
La violence sexiste touche principalement les femmes, les filles, ainsi que les personnes bispirituelles, trans et non binaires. Certaines subissent plus de risques d’abus du fait de discriminations et d’obstacles supplémentaires. C’est le cas des femmes handicapées, autochtones, racialisées, ainsi que des personnes trans, non binaires et des femmes sans toit ou mal logées.
En 2022, 184 femmes et filles ont été assassinées. De plus, 4 femmes sur 10 ont signalé avoir subi une forme de violence de la part de leurs partenaires intimes.[7][8] Les conséquences de la violence conjugale coûteraient 7,4 milliards de dollars par année selon un rapport de Justice Canada paru en 2009.[9]
Les travailleuses et travailleurs sociaux luttent contre la violence sexiste en apportant un soutien psychosocial aux victimes. Ils ou elles peuvent relocaliser ces femmes dans des refuges, les accompagner en justice et aider à dénoncer les traumatismes subis. Ils ou elles valident aussi les expériences des femmes et se tiennent aux côtés des victimes et survivantes.
Sans ressources adéquates, les travailleuses et travailleurs sociaux ne peuvent pas être efficaces. L’ACTS exhorte donc le gouvernement fédéral à protéger les personnes les plus à risque de violence sexiste. Elle demande des politiques et mesures de soutien pour aider les victimes, mais aussi pour prévenir ces violences.
L’ACTS salue les avancées du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe et les accords bilatéraux avec les provinces et territoires. Elle incite le gouvernement fédéral à maintenir cet effort crucial et à instaurer un Secrétariat dédié à cette cause.
Justice en matière de reproduction et accès à l’avortement
L’ACTS demande au gouvernement fédéral de collaborer avec les provinces et les territoires pour assurer un accès équitable aux soins d’avortement.
La Cour suprême américaine a récemment renversé Roe c. Wade, ravivant les inquiétudes sur l’accessibilité de l’avortement, y compris dans des pays aux lois libérales comme le Canada. Celui-ci fait encore face à des obdstacles majeurs malgré la décriminalisation et l’absence de restrictions légales telles que le consentement parental ou les délais d’attente.
Au Canada, l’avortement a été décriminalisé en 1988 et aucune loi spécifique ne l’interdit. Depuis cette décriminalisation, de nombreuses politiques provinciales et territoriales ont vu le jour pour faciliter l’accès aux services d’avortement. Néanmoins, l’organisation du système de santé canadien et la stigmatisation sociale freinent encore l’accès. La levée de ces obstacles requiert un changement politique et un leadership au niveau fédéral.
- Obstacles géographiques : Au Canada, les cliniques d’avortement se concentrent le long de la frontière américaine. Cette concentration pose des problèmes majeurs pour les résidents ruraux et isolés, surtout dans les communautés autochtones. En effet, une étude de 2013 a montré qu’une femme sur cinq doit faire plus de 100 kilomètres pour accéder aux services d’avortement.[10]
- Portée des soins : Les services d’avortement varient grandement d’une région à l’autre. Certaines régions du Canada offrent ces services jusqu’à lla 12e semaine de grossesse seulement. Il est de plus en plus difficile d’avoir accès à des avortements après le premier trimestre, et les services pour les avortements après 19 semaines sont extrêmement limités.[11]
- Couverture d’assurance et transférabilité : Les territoires et provinces ne proposent pas tous des services d’avortement jusqu’à la 20e semaine. En outre, l’avortement figure parmi les 16 procédures non reconnues comme « portables » au regard de la Loi canadienne sur la santé. 8
Il faut admettre que le débat sur l’avortement s’inscrit dans des discussions plus larges sur les droits reproductifs et la justice reproductive. Ces discussions touchent à la sexualité, au genre, à l’identité, à la contraception, aux déterminants sociaux de la santé (y compris la liberté de choix de concevoir et d’élever un enfant en situation de pauvreté), ainsi qu’aux institutions médicales et juridiques qui ont alimenté le racisme, le colonialisme et la misogynie.
Soins d’affirmation de genre
L’ACTS appelle le gouvernement fédéral à soutenir les Canadiens LGBTQ+ en collaborant avec les autorités provinciales et territoriales pour faciliter l’accès aux soins d’affirmation de genre.
Les soins d’affirmation de genre englobent toute forme de soins de santé ou de soutien social qui aide les individus à atteindre un développement sain de l’identité de genre et peuvent inclure une grande variété de services allant du conseil en santé mentale au traitement hormonal substitutif (THS). Au Canada, la demande de soins d’affirmation de genre est de plus en plus fréquente chez les jeunes de la diversité. Les procédures cosmétiques peu invasives (par exemple, les produits de comblement injectables, les neuromodulateurs, l’épilation au laser) sont couramment recherchées. Cees procédures sont censées compenser partiellement les retards dans l’accès à des soins chirurgicaux et médicaux plus permanents (par exemple, la chirurgie) ; et sont donc utiles pour soutenir la transition de genre en temps opportun.
Au Canada, l’accessibilité aux soins d’affirmation de genre est limitée et des politiques néfastes sont récemment apparues. En dépit d’une demande en hausse, l’offre locale en soins peu invasifs est insuffisante. Sur les cinq dernières années, plus de la moitié des personnes trans ayant un fournisseur de soins primaires au Canada ont fait état de besoins non comblés. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont tardé à répondre à ces carences en matière de santé et de sécurité pour les personnes trans. [12]De plus, la transphobie et les modifications de politiques à tous les échelons gouvernementaux exposent les jeunes transgenres à des risques de troubles de santé mentale et de développement sexuel instable.
Profil de l’ACTS
L’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, ou ACTS, représente cette profession au niveau national. Elle a été fondée en 1926. L’ACTS est une fédération nationale. Elle est composée de dix organisations partenaires réparties dans les provinces et les territoires.
[1] Srugo, Sebastian A., et al. « Disparities in Primary and Emergency Health Care among ‘off-Reserve’ Indigenous Females Compared with Non-Indigenous Females Aged 15–55 Years in Canada. » CMAJ, 28 août 2023, www.cmaj.ca/content/195/33/E1097.
[2] Comeau, Dominique, et al. « Review of Current 2SLGBTQIA+ Inequities in the Canadian Health Care System. » Frontiers, Frontiers, 3 juillet 2023, www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpubh.2023.1183284/full#:~:text=Ind... (4).
[3] Lane, Ginny et al. “Chronic health disparities among refugee and immigrant children in Canada.” Applied Physiology, Nutrition, and Metabolism, vol. 43, no. 10, 2018, pp. 1043—1058, https://doi.org/10.1139/apnm-2017-0407.
[4] Agence de la santé publique du Canada, Vieillissement et maladies chroniques : Profil des aînés canadiens. https://www.canada.ca/fr/services/sante/publications/maladies-et-affecti...
[5] Reppas-Rindlisbacher, Christina et coll. « Gender Differences in Mental Health Symptoms Among Canadian Older Adults During the COVID-19 Pandemic: a Cross-Sectional Survey. » Canadian geriatrics journal: CGJ vol. 25.1 49–56. 2 Mars 2022, doi:10.5770/cgj.25.532
[6] Islam, MD Kamrul and Gilmour, Heather. Immigrant status and loneliness among older Canadians. https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202300700001-eng
[7] Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation, #CallItFemicide : Comprendre les meurtres de femmes et de filles liés au sexe et au genre au Canada, 2018-2022. https://femicideincanada.ca/callitfemicide2018-2022.pdf
[8] Statistique Canada. La violence entre partenaires intimes au Canada, 2018. www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/210426/dq210426b-fra.htm.
[9] Gouvernement du Canada, ministère de la Justice. Une estimation de l’incidence économique de la violence conjugale au Canada en 2009. https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/vf-fv/rr12_7/p0.html
[10] Schummers, Laura et Wendy V Norman. « Abortion services in Canada: access and safety. » CMAJ : Canadian Medical Association journal = journal de l’Association médicale canadienne vol. 191,19 (2019) : E517-E518. doi:10.1503/cmaj.190477
[11] « Trends in Barriers to Abortion Care. » Action Canada for Sexual Health and Rights, www.actioncanadashr.org/resources/reports-analysis/2022-12-14-trends-bar....
[12] Ross, Katie et Sarah Fraser. “Minimally Invasive Procedures in Gender-Affirming Care: The Case for Public Funding across Canada.” CMAJ, CMAJ, 14 août 2023, www.cmaj.ca/content/195/31/E1041.