Mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes sur le projet de loi C-6, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion)
Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux — 8 décembre 2020
L’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) est le porte-parole national du travail social au Canada, dont la double mission est de promouvoir la profession et de faire progresser la justice sociale. Notre profession met un accent particulier sur la dignité et la valeur inhérentes de toutes les personnes et nous vous remercions de nous avoir invités à présenter le point de vue du travail social sur le projet de loi C-6, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion). L’ACTS appuie sans
équivoque l’intention du projet de loi C-6 d’interdire cette attaque odieuse contre les communautés 2SLGBTQ+, mais croit que la loi pourrait être renforcée pour faire progresser les droits de la personne à l’échelle nationale et internationale.
Fondée sur le Code de déontologie de la profession et au nom des travailleurs sociaux de partout au Canada, en plus de faire écho au rapport crucial de No Conversion Canada, l’ACTS formule six recommandations clés à la fin de ce mémoire pour renforcer cette loi déjà fondamentale.
CONTEXTE
Les pratiques de « thérapie » de conversion, qui visent à modifier l’orientation sexuelle ou le genre d’une personne, portent de nombreux noms, comme la thérapie réparatrice, la thérapie de réintégration, la thérapie de réorientation, la thérapie ex-gay, la thérapie gay et les « efforts de changement de l’orientation sexuelle, de l’identité sexuelle et de l’expression sexuelle ». Pour donner plus de contexte à ces pratiques dévastatrices, on sait que les efforts de conversion comprennent des pratiques comme le
traitement par électrochoc ou la thérapie électroconvulsive, les lobotomies, la castration chimique, la thérapie par aversion, le conditionnement comportemental, l’encadrement de genre, le jeu de rôle régressif, l’hypnose, le jeûne extrême, la privation de sommeil, le viol « correctif », la prière, l’exorcisme et l’utilisation de diverses tactiques d’isolement dans une tentative délibérée de changer, de modifier, de nier ou de supprimer l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre d’une personne6.
même les formes les plus « douces » de ces thérapies sont des attaques contre la personnalité des personnes 2SLGBTQ+.
Malgré les différences de nomenclature, ces « thérapies » sont unies par leurs traits communs, car elles sont largement discréditées par les professions de la santé et des services sociaux puisqu’elles sont à la fois profondément nuisibles et profondément inefficaces et contribuent directement aux expériences disproportionnées des personnes 2SLGBTQ+ en matière de problèmes de santé mentale, d’itinérance, de pauvreté, de violence et de toxicomanie. 4 Ces effets sont particulièrement ressentis chez les enfants et les
jeunes.
Le rôle et la responsabilité du gouvernement fédéral sont de protéger et de défendre les droits de tous les citoyens, et l’ACTS salue les mesures prises par le gouvernement pour interdire cette attaque profondément dommageable contre l’identité des personnes. Nous exhortons toutefois le gouvernement à aller plus loin en reconnaissant que la Loi canadienne sur les droits de la personne stipule que les enfants et les jeunes au Canada sont protégés contre la discrimination fondée sur l’identité de genre, l’expression de genre, et l’orientation sexuelle. Par conséquent, l’ACTS demande au gouvernement fédéral de donner la priorité à la sécurité des enfants et des jeunes en appuyant unanimement et en accélérant l’adoption de ce projet de loi avec des modifications visant à codifier les droits des transgenres et des personnes de diverses identités de genre et les enfants et les jeunes créatifs par rapport au genre.
CASW RECOMMENDATIONS DE L'ACTS
1. Le projet de loi doit inclure l’expression de genre et élargir la définition de l’expression de
genre comme suit :
(a) à la transition sociale, juridique ou médicale d’une personne ;
(b) à l’exploration sans jugement et à l’acceptation de son identité ou à son développement.
Le projet de loi contient une définition problématique et limitée de la thérapie de conversion, qui ne comprend pas « l’expression sexuelle », même s’il s’agit d’un motif de discrimination interdit en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La définition actuelle ne va pas assez loin en ce qui concerne les services liés à l’expression de genre.
2. La loi ne doit pas éliminer la responsabilité du fournisseur de la thérapie de conversion sur la base ostensible du consentement du bénéficiaire, lorsque la pratique elle-même s’est révélée frauduleuse et nuisible. Cela créerait une échappatoire importante limitant l’effet protecteur de la loi. Le gouvernement a l’obligation de protéger les gens contre les préjudices et les dangers connus ou raisonnablement prévisibles, et c’est pourquoi il y a des lois strictes de protection des consommateurs et de nombreux règlements sur la santé et la médecine au Canada. Toute formulation axée sur les questions de « consentement » et de « coercition » est mal orientée, car elle ne reconnaît pas l’impact antérieur de l’homophobie systémique, de la biphobie et de la transphobie sur la vie des personnes 2SLGBTQ+. Le projet de loi doit plutôt mettre l’accent sur la thérapie de conversion en tant qu’ensemble de pratiques nuisibles, non scientifiques et trompeuses. Les restrictions et les règlements sont communément mis en place pour protéger les intérêts supérieurs des Canadiens contre les dangers reconnus, les préjudices et les pratiques frauduleuses et abusives. Bien que cette pratique soit contraire au Code de déontologie de la plupart des professionnels de la santé, une interdiction fédérale est nécessaire pour veiller à ce que personne ne passe entre les mailles des diverses lois municipales et
provinciales au Canada.
3. La loi ne doit pas être définie en fonction de l’âge, ce qui est problématique, car elle implique que la thérapie de conversion peut être dangereuse/nocive pour certains (mineurs), mais pas nécessairement pour d’autres (adultes). Le terme « adulte » pourrait également inclure une personne qui vient de se retourner ou qui a quelques années de plus que l’âge légal. Ces jeunes adultes sont extrêmement vulnérables et sont souvent ciblés par des pratiques de thérapie de conversion. La législation gouvernementale devrait couvrir tous les âges. L’idée qu’il puisse y avoir des « adultes consentants » est malavisée. Bref, une personne ne peut pas consentir activement à des pratiques de thérapie de conversion lorsque celles-ci sont connues pour être trompeuses, coercitives et frauduleuses.
4. Toute loi fédérale doit également révoquer le statut d’organisme de bienfaisance, s’il est détenu, de tout organisme qui fait la promotion, la publicité ou la pratique de toute forme de thérapie de conversion.
5. Le gouvernement fédéral doit investir dans un fonds de survivant pour ceux qui ont subi les dommages causés par cette pratique nuisible afin qu’ils puissent recevoir le soutien, les services et les réparations qu’ils méritent.
6. Le gouvernement fédéral doit affecter des fonds pour accompagner ce projet de loi à des campagnes d’éducation et de sensibilisation soulignant la nécessité de mettre fin à la thérapie de conversion au Canada. Les travailleurs sociaux sont très conscients du travail nécessaire pour changer les perceptions publiques préjudiciables et non fondées qui mènent à la discrimination et à une plus grande marginalisation. Nous devons nous attaquer aux causes profondes de la stigmatisation et des conditions sociales et économiques qui oppriment davantage les personnes 2SLGBTQ+.
Pour voir la mémoire au complet, y inclus les références, cliquez ici.