Le 25 février 2022 - Le Comité permanent de la santé mène actuellement une étude sur l'épuisement des personnels de santé. Lisez ci-dessous la soumission de l'ACTS à cette étude.
Mémoire de l’Association canadienne des travailleurs sociaux
au Comité permanent de la santé sur les effectifs de la santé au Canada
L’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) est la porte-parole de la profession du service social au Canada. Composée de 10 organisations partenaires provinciales et territoriales, l’ACTS est la voix associative de la profession depuis 1926.
Le Canada compte plus de 50 000 travailleuses et travailleurs sociaux qui fournissent une gamme de services pour soutenir les résultats en matière de santé et de santé mentale, tout en s’occupant des déterminants sociaux de la santé au niveau communautaire, familial et individuel. Ces travailleuses et travailleurs constituent le plus grand groupe de fournisseurs de services de santé mentale au Canada.
Comme nous le savons, la pandémie a et continuera d’entraîner des répercussions durables sur la santé physique et mentale des Canadiens, et le besoin de services adaptés, accessibles et rapides n’a jamais été aussi grand. Les travailleurs sociaux inscrits (TSI) sont des professionnels formés ayant un large champ d’exercice, capables d’offrir de nombreux types de services et de soins, souvent à un coût moindre que d’autres professionnels. Ils peuvent, et doivent, jouer un rôle clé dans le rétablissement de la pandémie.
L’ACTS est très heureuse de voir cette importante étude se dérouler. La pandémie a causé, et même exacerbé, de nombreux défis pour les travailleurs sociaux du Canada. Les plus urgentes de ces questions peuvent être définies comme suit :
- Il existe une demande importante pour un plus grand nombre de travailleuses et de travailleurs sociaux dans toute une gamme de contextes, mais les données manquent pour cerner les besoins exacts — ce manque de main-d’œuvre doit être comblé pour le bien des Canadiens. Avant la création de COVID-19, les travailleuses et travailleurs sociaux étaient déjà surchargés de travail, et la situation n’a fait qu’empirer depuis. Nous manquons d’informations clés sur la démographie, le marché du travail et l’éducation ainsi que la formation pour nous assurer qu’il y aura des travailleuses et travailleurs sociaux disponibles pour répondre aux besoins croissants du Canada en matière de santé et de santé mentale.
Des fonds sont nécessaires pour une étude sur le secteur du travail social : nous avons une connaissance limitée du nombre de travailleuse et travailleurs sociaux, ou de la proportion de ces travailleurs dans différents domaines de pratique, travaillant à travers le Canada et si cette main-d’œuvre a la capacité de répondre aux besoins actuels ou prévus des Canadiens. La dernière étude de ce type financée par le gouvernement fédéral, Un besoin critique, remonte à l’année 2000. Depuis, la COVID-19 n’a fait qu’accroître le besoin public de travailleurs sociaux inscrits (TSI), qui jouent une myriade de rôles essentiels dans nos communautés, des hôpitaux à la santé mentale, en passant par la toxicomanie, pour n’en nommer que quelques-uns. Le financement d’une étude sectorielle est nécessaire pour garantir que la main-d’œuvre professionnelle du travail social puisse répondre aux besoins croissants du Canada à l’avenir.
- La protection de l’enfance au Canada est en crise : L’ACTS a réalisé avant la pandémie une étude nationale qui a confirmé que les travailleurs s’épuisaient à un rythme alarmant, en grande partie à cause de la lourdeur et de la complexité écrasantes de la charge de travail. Cela crée un effet de porte tournante qui est particulièrement dommageable pour les communautés rurales, éloignées et nordiques déjà mal desservies. Bien que souvent considéré comme un service social, le travail de protection de l’enfance est profondément lié à la santé, à la santé publique et aux soins de santé mentale. Dans ces rôles, les travailleurs sociaux sont à la fois des professionnels sociaux et sanitaires. En outre, COVID-19 a vu les taux de violence entre partenaires intimes et de violence familiale augmenter considérablement, ce qui signifie que davantage de familles sont en contact plus fréquent avec les services de protection de l’enfance. Alors que les effets de la pandémie perdurent, notamment l’augmentation du stress financier, l’isolement social et la perte de réseaux et de services de soutien — autant de facteurs qui exacerbent la violence — il est plus que jamais essentiel de veiller à ce que le personnel des services de protection de l’enfance soit équipé pour réagir.
L’étude nationale menée en 2018 par l’ACTS a révélé que 75 % des travailleuses et travailleurs sociaux occupant des fonctions de protection de l’enfance déclarent crouler sous des charges de travail ingérables ; 72 % disent ne pas avoir assez de temps à passer avec les clients en raison de la surcharge de travail ; et 45 % de ceux qui ont quitté le domaine l’ont fait en raison d’un épuisement professionnel ou d’un traumatisme vicariant. Pour résumer nos conclusions à travers le Canada, le projet a révélé que la charge de travail excessive est un facteur clé dans le départ des travailleuses et travailleurs sociaux des services de protection de l’enfance. Les organisations ont des ressources inadéquates en matière de santé mentale et de bien-être pour servir un personnel qui subit un traumatisme indirect ou qui développe un trouble de stress post-traumatique. On déplore enfin un manque criant de données et d’informations adéquates pour guider les politiques et la planification.
Le rôle prévu des intervenants en protection de l’enfance est de développer des relations avec les communautés et d’aider les familles à rester unies. Cet aspect relationnel est souvent négligé, cependant, en raison de l’énorme charge de travail, qui impose des contraintes administratives écrasantes et de l’insuffisance des ressources pour faire face aux expériences négatives sur le lieu de travail. Les familles qui ont besoin d’interventions de soutien ne sont souvent vues qu’après un incident. La sécurité de l’enfant doit passer avant le renforcement des familles pour assurer la sécurité des enfants à la maison.
Nous savons également que les services de protection de l’enfance sont ceux qui réussissent le mieux à garder les familles unies lorsque la collectivité entretient une relation saine et à long terme avec un travailleur. À l’heure actuelle, les charges de travail excessives poussent les travailleurs à quitter leur poste, créant ainsi un effet de porte tournante dans de nombreuses communautés, ce qui rompt les relations des familles avec les professionnels et les décourage de demander de l’aide avant qu’une crise ne se développe. La situation est particulièrement difficile dans les zones rurales et éloignées où l’on a du mal à embaucher et à conserver du personnel. Enfin, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19, il est essentiel d’examiner l’ensemble des raisons pour lesquelles les travailleurs des services de protection de l’enfance quittent leur poste.
Il n’y a pas eu d’étude nationale au Canada pour aider les organismes de protection de l’enfance, tant dans les réserves qu’à l’extérieur, à déterminer une charge de travail saine et appropriée pour leurs travailleurs sociaux. On déplore un manque flagrant de données et d’informations pour guider les politiques et la planification afin de remédier à ces problèmes.
Ce projet devrait, idéalement, comporter deux parties : tout d’abord, une étude rigoureuse du nombre et de la complexité des dossiers de protection de l’enfance, comprenant une analyse documentaire et une analyse de l’environnement, un examen des juridictions, des entretiens avec des experts, des entretiens avec des dirigeants d’agences de protection de l’enfance, des entretiens avec des travailleurs sociaux et des entretiens avec des personnes ayant une expérience vécue de l’implication dans le système de protection de l’enfance. Deuxièmement, l’élaboration d’un ensemble de lignes directrices sur les meilleures pratiques pour déterminer la taille et la complexité appropriées de la charge de travail, ainsi qu’un ensemble de lignes directrices à l’intention des organisations pour protéger la santé et le bien-être de leurs travailleurs.
- Les communautés rurales, éloignées et nordiques ont souvent du mal à recruter et à retenir les travailleuses et travailleurs sociaux, qui procureraient pourtant une excellente valeur à une communauté grâce à leur vaste éventail de compétences. La promesse de la campagne d’inclure les travailleuses et travailleurs sociaux dans le programme canadien existant d’exonération des prêts étudiants devrait être accélérée autant que possible pour encourager les travailleurs sociaux à déménager (ou à retourner) dans ces communautés. L’annulation des prêts étudiants permettrait de réduire fortement le fardeau des travailleuses et travailleurs sociaux qui entrent dans le domaine.
- Comme d’autres travailleurs essentiels, les travailleurs sociaux ont été profondément touchés par la pandémie. Une enveloppe de financement est nécessaire pour aider à répondre aux préoccupations spécialisées en matière de santé mentale de ces travailleurs, notamment le préjudice moral, le traumatisme indirect et d’autres préoccupations en matière de santé mentale liées au milieu de travail.
À titre d’exemple, dans de nombreux domaines de la pratique du travail social, il est essentiel d’être physiquement présent dans l’environnement du client pour vérifier sa sécurité, les niveaux de risque potentiels, ou simplement pour fournir des services, des soins ou des références appropriés. La pandémie a causé un grand stress et un préjudice moral à une grande partie de la main-d’œuvre du travail social qui n’a pas pu avoir ce type d’interactions en personne en raison de directives de santé publique — d’une importance cruciale. Cette réalité a accéléré l’évolution de certains services de travail social vers des services « en ligne », ce qui a causé et continue de causer des préjudices moraux et, par conséquent, un épuisement professionnel au sein du personnel.
- Toute législation future concernant les premiers intervenants doit reconnaître le travail social. Les travailleurs sociaux sont souvent les premiers professionnels présents lors d’une crise.
Le Canada doit en faire davantage pour que l’ensemble des compétences uniques des travailleuses et travailleurs sociaux soit présent dans les systèmes de soins des communautés de toutes tailles et de toutes les régions du Canada. Ces travailleuses et travailleurs doivent bénéficier des conditions nécessaires pour rester — et prospérer — dans leurs rôles essentiels.