L’ACTS est heureuse de pouvoir participer aux présentations prébudgétaires de 2020 et espère que le gouvernement fédéral continuera de montrer la voie de la réconciliation et d’un Canada plus équitable en adoptant et en mettant en œuvre les recommandations ci-dessous :
Liste de recommandations :
- Financer, par l’intermédiaire d’Emploi et Développement social Canada, une étude sur la charge professionnelle des travailleurs de protection de l’enfance afin de vérifier les données à l’échelle du pays et de commencer à élaborer des normes nationales ;
- Mettre en œuvre l’exonération des prêts étudiants pour les travailleurs sociaux qui exercent dans les communautés rurales et éloignées afin d’accroître l’équité des soins, de réduire les temps d’attente et d’attirer, de se rapprocher de la parité en matière de santé mentale et de retenir les travailleurs sociaux dans ces communautés ;
- Adopter une Loi sur l’action sociale afin d’orienter les investissements sociaux et d’accroître la responsabilité du gouvernement et de mesurer le retour sur investissement.
L’ACTS est encouragée par le rôle de chef de file que le gouvernement fédéral actuel a joué dans l’amélioration des conditions sanitaires et sociales des Canadiens. À cette fin, l’ACTS continue de souligner l’importance d’investir dans les enfants, les familles, les déterminants sociaux de la santé, la réduction des inégalités et les appels à l’action de la CVR. Les engagements du gouvernement fédéral envers les enfants, les femmes, les communautés autochtones, le logement abordable et la lutte contre la pauvreté s’inscrivent dans la vision d’un Canada juste à laquelle adhère l’ACTS. À cette fin, l’ACTS appuie le rôle de chef de file du gouvernement fédéral et compte tenir ce gouvernement responsable de la mise en œuvre de ces promesses cruciales.
Avec des éléments de politique essentiels en place pour commencer à s’occuper du bien-être de tous les Canadiens à travers le pays, les travailleuses et travailleurs sociaux savent que le Canada reste en crise : le nombre d’enfants — et en particulier celui des enfants autochtones — qui sont pris en charge représente une urgence nationale. Il existe de nombreux obstacles à la résolution de cette crise, l’un d’entre eux étant l’absence d’un tableau national des meilleures pratiques en matière de protection de l’enfance ou de normes dans tout le pays.
En outre, bien que le gouvernement ait fait d’importants progrès pour lutter contre l’inégalité des sexes, le Canada a encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre la parité. Le rapport final de l’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées illustre le besoin profond d’agir contre cette inégalité dangereuse et omniprésente qui touche la vie de nombreuses femmes et enfants. Parallèlement à la mise en œuvre de l’appel à l’action de la CVR et du Groupe de travail sur les FFADA, le Canada doit se conformer à la décision du Tribunal canadien des droits de la personne selon laquelle notre pays a délibérément et dangereusement discriminé les enfants autochtones. Le gouvernement a l’obligation de se conformer pleinement à la décision de justice, notamment en indemnisant intégralement les personnes concernées.
De plus, le gouvernement doit continuer à renforcer une approche coordonnée de la santé mentale et de la crise des opiacés, car ces deux questions demeurent des préoccupations urgentes pour les Canadiens. L’ACTS, à son tour, déplore que de nombreuses communautés, surtout dans les contextes ruraux et éloignés, aient des difficultés indues à attirer et à retenir des professionnels de la santé mentale tels que les travailleurs sociaux.
Pour bien servir les vastes populations du Canada, culturellement diversifiées, le gouvernement doit immédiatement adopter un cadre pour la parité en matière de santé mentale, tout en mettant en œuvre simultanément l’exonération des prêts étudiants pour ceux et celles qui reviennent pour répondre aux besoins de santé de leur communauté rurale ou éloignée.
Parallèlement, comme le montrent les résultats de notre principal document de recherche, Mieux comprendre les travailleuses et travailleurs sociaux en protection de l’enfance : constatations du sondage pancanadien et des interviews avec les experts, les travailleuses et travailleurs sociaux du Canada sont surchargés de travail et inondés par un nombre élevé de dossiers, ce qui leur permet difficilement de fournir des services individuels aux familles tout en répondant aux exigences administratives.
Recommandations de l’ACTS :
1) Financer une étude nationale sur la charge professionnelle des travailleurs en protection de l’enfance
Lorsque les travailleurs sociaux sont empêchés de rester à leur poste ou de développer des relations avec les communautés, les enfants et les familles en souffrent, ce qui se traduit par un plus grand nombre d’enfants pris en charge et de familles en crise. L’ACTS a mené à bien un important projet de recherche évaluant la situation des travailleurs sociaux dans le domaine de la protection de l’enfance et a découvert les problèmes suivants qui sont directement à l’origine de bon nombre des problèmes rencontrés au Canada :
- la charge de travail et le nombre de cas excessifs sont des facteurs clés qui incitent les travailleurs sociaux à quitter les postes de protection de l’enfance ;
- les organisations ne disposent pas de ressources suffisantes en matière de santé mentale et de bien-être pour pallier les traumatismes indirects du personnel ;
- il y a un manque troublant de données et d’informations adéquates pour guider la politique et la planification ;
- des exigences administratives accrues imposent une charge supplémentaire sur la pratique du travail social.
Le rôle prévu des travailleuses et travailleurs sociaux dans la pratique de la protection de l’enfance est de développer des relations avec les communautés pour aider les familles à rester unies. Dans le climat actuel, avec des charges de travail énormes et un fardeau administratif écrasant, cet aspect individuel du travail social est souvent relégué aux oubliettes. Les familles qui ont besoin d’interventions de soutien ne sont alors vues qu’une fois qu’un incident fâcheux s’est produit, ce qui entraîne la prise en charge d’un autre enfant.
Nous savons également que la pratique de la protection de l’enfance réussit le mieux à maintenir les familles unies lorsque la communauté entretient une relation saine et durable avec un travailleur. Actuellement, le nombre élevé de dossiers provoque un épuisement professionnel fréquent, ce qui signifie que de nombreux travailleurs sociaux quittent le domaine de la protection de l’enfance, créant un effet de « porte tournante » dans de nombreuses communautés qui rompt les relations familiales avec les professionnels, les décourageant de chercher de l’aide en amont.
Actuellement, il n’existe pas de normes nationales régissant la charge de travail dans le domaine de la protection de l’enfance. Les outils permettant de mesurer la taille et la complexité des cas varient d’une région à l’autre. Les pratiques et les réussites varient également. Aucune étude à grande échelle n’a été menée pour aider les organisations de protection de l’enfance, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves, à déterminer une charge de travail saine et appropriée pour leurs travailleurs.
2) Exonération du remboursement des prêts d’études pour les travailleurs sociaux exerçant dans les communautés rurales et éloignées
Étant donné l’écart entre la disponibilité des services de santé et de santé mentale dans les zones urbaines et rurales et les temps d’attente qui en résultent, l’ACTS préconise l’inclusion des travailleuses et travailleurs sociaux dans le cadre du Programme canadien d’exonération du remboursement des prêts d’études, qui s’applique actuellement à d’autres professions telles que les soins infirmiers.
Un rapport de 2012 de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) sur les soins dans les régions rurales et éloignées au Canada a montré que, sur 11 pays, les Canadiens étaient ceux qui attendaient le plus longtemps pour obtenir des soins de santé. Depuis lors, les conditions ont continué à se détériorer, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) ayant identifié des temps d’attente particulièrement importants et des préjudices directement liés.
Compte tenu du contexte canadien, où les communautés autochtones sont souvent situées dans des régions rurales ou éloignées, les populations déjà mal desservies sont rendues encore plus vulnérables.
Les travailleurs sociaux sont des professionnels hautement qualifiés qui peuvent offrir nombre des mêmes services thérapeutiques que les psychologues et les infirmières en santé mentale, mais à un coût nettement inférieur. En outre, dans une petite communauté qui ne peut soutenir qu’un seul praticien de la santé mentale, un travailleur social apporte une grande valeur — grâce à ses vastes compétences, il peut fournir divers types de soins, tels que le travail sur le cas, l’évaluation, le conseil thérapeutique et l’orientation vers d’autres soutiens communautaires. Parallèlement, de nombreuses communautés ont beaucoup de mal à attirer des professionnels de la santé mentale.
L’ACTS soutient que l’octroi d’un incitatif, par le biais de l’exonération des prêts d’études pour les travailleurs sociaux, faciliterait grandement le recrutement de travailleuses et de travailleurs sociaux dans les régions éloignées et rurales, ce qui aiderait le Canada à atteindre la parité en matière de santé mentale.
Cette demande s’aligne directement sur la lettre de mandat du ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail qui stipule ce qui suit :
- « Travailler avec les provinces et les territoires pour rendre l’éducation postsecondaire plus abordable pour les étudiants issus de familles à faibles et moyens revenus. »
- « Travailler avec les ministres de la Condition féminine et de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique afin de prendre des mesures qui nous permettront de réaliser des progrès significatifs dans la réduction de l’écart salarial entre les hommes et les femmes. »
- « Travailler avec le ministre des Affaires indigènes et du Nord et le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique pour promouvoir le développement économique et créer des emplois pour les peuples autochtones. »
La recommandation de l’ACTS porterait sur tous les aspects susmentionnés de la lettre de mandat. De nombreux jeunes travailleurs sociaux, y compris des travailleurs sociaux autochtones, souhaitent retourner dans leurs communautés rurales ou éloignées, mais n’ont pas les moyens de le faire. En outre, comme la profession est principalement composée de femmes, la remise des prêts aux travailleuses et travailleurs sociaux faciliterait l’établissement de nombreuses jeunes femmes dans une communauté de leur choix et contribuerait à réduire la charge élevée des frais d’éducation.
3) Adopter une Loi sur l’action sociale pour guider les investissements sociaux
Le gouvernement fédéral actuel a, à juste titre, accordé une grande importance aux données, à la science et à l’innovation. L’ACTS fait valoir que sans obligation de rendre compte du Transfert canadien en matière de programmes sociaux — y compris l’obligation de faire rapport sur l’utilisation et les résultats — le Canada est malheureusement dépourvu des données appropriées pour faciliter les meilleures pratiques et l’innovation dans le secteur social.
L’ACTS propose l’adoption d’une Loi sur l’action sociale avec des principes comme ceux de la Loi canadienne sur la santé pour aider à guider le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS) et d’autres investissements sociaux, rendant possible une stratégie nationale avec des indicateurs de performance partagés.
Dix principes d’une proposition de loi sur l’action sociale
1. Gestion publique
2. Intégralité
3. Universalité
4. Transférabilité
5. Accessibilité
6. Équité
7. Efficacité
8. Reddition de compte et transparence
9. Droits et responsabilité
10. Comparabilité
Une telle Loi aiderait à guider les provinces et les territoires dans l’élaboration de politiques qui répondent au mieux à leurs besoins spécifiques, tout en aidant le gouvernement fédéral à mieux comprendre où l’argent est dépensé — et, par conséquent, où des investissements plus ciblés pourraient être nécessaires. Cela permettrait non seulement de favoriser le dialogue autour de questions communes, de meilleures pratiques et de programmes fondés sur des données probantes, mais aussi d’aider à produire des résultats comparables dans tout le pays. Sans un leadership fédéral guidant les transferts et les investissements sociaux, le dialogue sur la politique sociale progressiste stagne.