Pourquoi est-il important que les services des travailleurs sociaux soient compris dans les paiements par les tiers
Au cours de la dernière décennie, le sous financement des programmes/services sociaux et de la santé par tous les niveaux de gouvernement a fait en sorte qu’il est très difficile pour le public d’obtenir un service nécessité : le counseling en travail social. Il est ironique de constater que ce sous financement a eu lieu à un moment où des estimations prudentes évaluent le coût annuel des problèmes de santé mentale des Canadiens à 14 milliards de dollars. 1 L’importance d’un solide réseau de programmes publics est primordiale ; par contre, il est important de reconnaître que l’inclusion de services de counseling en travail social dans les régimes privés d'assurance-maladie est une alternative intelligente pour les membres du public qui doivent transiger avec l’absence de services ou de longues listes d’attente. Cet article tentera d’élucider les grandes lignes ayant trait à la démarche de la profession visant l’inclusion des services de counseling en travail social dans les régimes privés d'assurance-maladie.
À noter que le terme « paiement par un tiers » se réfère à un avantage social ou un service qui est payé par un tiers, habituellement un régime d'assurance individuel ou un régime d'avantages sociaux collectif (aussi connu sous le nom de régime de prestations aux employés). Les services de counseling fournis par un régime collectif d'avantages sociaux offrent soit l’accès à un programme d’aide aux employés (PAE), soit un montant numéraire par session de counseling, pour une période de temps prédéterminée. Habituellement, cet avantage social est offert à court terme, et le but est d’aider les clients à améliorer ou rétablir leur capacité de faire face et à leurs problèmes et être en mesure de les résoudre.
Les sociétés d’assurance affirment que si les individus sont prêts à débourser, ils sont en mesure de fournir et de payer n’importe quel avantage social, y compris les services de counseling. Cette réalité est reflétée par le fait que les régimes liés au travail offrent de plus en plus de services de counseling par des travailleurs sociaux. Toutefois, les sociétés nationales d’assurance, à l’exception de la Great-West Life, refusent encore de reconnaître les services de notre profession, malgré le fait que plusieurs assureurs payent indirectement les honoraires de travailleurs sociaux sous les rubriques de « services psychologiques » ou de « services de psychothérapie ». En autres mots, les travailleurs sociaux privés ou publics qui offrent des services de counseling peuvent s’attendre à ce que plusieurs régimes individuels ne remboursent pas leurs honoraires, puisque ceci est laissé à la discrétion de l’assureur. Il est intéressant de noter qu’un bon nombre de compagnies régionales d’assurance, telles que Liberty Health en Ontario, reconnaissent maintenant de façon formelle les services des travailleurs sociaux dans la plupart de leurs régimes. Ce sont de bonnes nouvelles qui reflètent la pression croissante au niveau local pour que les sociétés d’assurance offrent plus d’options au public.
Il semblerait que plusieurs raisons sont en cause quant à la réticence des assureurs d’offrir des services sociaux dans des régimes privés d'assurance-maladie. Ces réticences ont trait à : un manque d’information au sujet des compétences et des habiletés des travailleurs sociaux ; un manque de précision au sujet de la réglementation du travail social à travers le pays ; la Loi de l'impôt sur le revenu qui ne considère pas le counseling en travail social comme une dépense « médicale » et donc empêche les clients de déduire cette dépense dans leur déclaration de revenus ; de même que des inquiétudes de la part des assureurs que la reconnaissance formelle du travail social pourrait augmenter l’utilisation des régimes et donc diminuer leurs bénéfices nets.
En mai 2001, une Initiative nationale sur le paiement par un tiers a été lancée, notamment par l’Ontario, pour promouvoir les intérêts de la profession par l’inclusion des services de travail social dans les régimes privés d'assurance-maladie. Un comité directeur a été organisé, qui représentait les directeurs administratifs des associations provinciales de travail social du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, de la Saskatchewan, de l’Alberta, et de la Colombie-Britannique. Cette initiative est appuyée par toutes les provinces. Par contre, les fonds, qui provenaient initialement des cinq provinces représentées au comité directeur, proviennent maintenant de l’Ontario, de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, et de l’ACTS qui a fourni une subvention de démarrage de 1 000 $, et récemment une subvention unique de 5 000 $.
L’Initiative nationale s’est appuyée sur une stratégie concertée pour s’attaquer à ce problème. En février 2002, le comité directeur a commandé une « analyse de rentabilisation » d’un consultant. Cette analyse était intitulée « Les travailleurs sociaux autorisés : De la bonne thérapie pour les affaires ». Cette « analyse de rentabilisation » fournit de l’information sur la profession : qui nous sommes, ce que nous faisons, et pourquoi l’inclusion de nos services dans les régimes d’assurance relève du bon sens économique, tant pour les employeurs que pour les assureurs. Le rapport souligne aussi l’impact du stress, de la dépression et d’autres problèmes de santé mentale sur le milieu de travail. Ces problèmes peuvent apporter une baisse de la productivité, de l’absentéisme, un appauvrissement du climat de travail, de même qu’une utilisation plus fréquente du régime de médicaments et du régime d'assurance-invalidité de longue durée. De plus, « l’analyse de rentabilisation » établit un lien direct entre les habiletés des travailleurs sociaux et le traitement des problèmes de santé mentale. « L’analyse de rentabilisation » et une lettre de marketing ont servi d’outils de revendication auprès de grandes sociétés d’assurance, de syndicats, et d’importants employeurs non syndiqués pour que les services de travail social soient inclus dans les régimes individuels et collectifs.
Les attitudes changent lentement, et les sociétés d’assurance risquent de mettre beaucoup de temps avant de s’ajuster à cette demande ; par contre, ceci ne semble pas représentatif des milieux de travail. Les employeurs semblent de plus en plus enclins à inclure les services de counseling des travailleurs sociaux dans leurs régimes collectifs d'avantages sociaux. Un survol rapide des compagnies nationales démontre que des compagnies telles que le Canadien Pacifique Limitée, le groupe des « Trois Grands » fabricants d’automobiles, Air Canada, la Banque du Canada se sont ajustées à la demande, et incluent maintenant le counseling par des travailleurs sociaux dans leurs régimes collectifs. Le nombre d’employés et de membres de familles qui bénéficient de ces régimes est impressionnant, et souligne l’importance de telles initiatives pour promouvoir la profession auprès du public.
Joan MacKenzie Davies, MSS, Res. Dip. T.S., TSI, directrice administrative de l’Association des travailleuses et travailleurs sociaux de l’Ontario, et coordonnatrice de l’Initiative nationale sur le paiement par les tiers
1 Stephen, T., Jouberts, N. (2001). The Economic Burden of Mental Health Problems in Canada. Chronic Diseases in Canada 22 (1).
Sommaire
Le fardeau des problèmes de santé mentale au Canada est écrasant : selon une estimation prudente, leur coût se chiffrerait à 14 milliards de dollars par année. Toutefois, l’argent n’est qu’un aspect de la question. Les coûts humains se manifestent par le stress, les conflits, une incidence accrue de l’anxiété et de la dépression ainsi que toutes sortes de maladies physiques qui accompagnent les troubles des fonctions mentales. Au travail, les troubles mentaux se mesurent surtout en fonction de la perte de productivité : absentéisme élevé, invalidité, coût de recrutement et de formation du personnel de remplacement, piètre qualité des produits et services fournis. Les coûts humains et financiers élevés font de la santé mentale un sujet qui intéresse de plus en plus un grand nombre d’employeurs et d’assureurs.
La dépression et d’autres troubles mentaux affectent pas moins de 3 millions de Canadiens et de Canadiennes, dont seulement un petit nombre sont convenablement traités. Les employeurs en supportent les coûts sous forme d’un recours accru aux régimes d’assurance-médicaments et d’assurance-invalidité; les troubles mentaux sont la maladie la plus fréquente et la plus coûteuse couverte par les régimes d’invalidité de longue durée.
Ces coûts sont causés en grande partie par le stress incontrôlé engendré par les tendances du marché du travail vers une augmentation de la charge de travail, une réduction du personnel, un intérêt accru pour la technologie et l’insuffisance de la formation et du perfectionnement professionnels. Les recherches prouvent que les organisations jouent un rôle clé, quoique souvent méconnu, dans la mise en place de conditions favorables ou nuisibles à la santé. En conséquence, les employeurs doivent créer une ambiance, une culture et une image qui attirent, retiennent et soutiennent leurs employés. L’imagination, l’esprit d’entreprise et la capacité de gérer leurs relations sont des attributs vitaux pour les employés de nos jours, mais ceux-ci ne peuvent pas s’épanouir dans un milieu de travail dominé par le stress, les conflits, des exigences irréalisables et des récompenses insuffisantes. Les employeurs peuvent prendre des mesures pour favoriser une culture de soutien au travail en tant que solution efficace et durable au stress, à la dépression et à d’autres problèmes de santé mentale.
Les travailleuses et travailleurs sociaux font partie de ce réseau de soutien et sont un élément clé de la solution au coût élevé et à la mauvaise utilisation des services de santé mentale. Leur profession est réglementée dans toutes les provinces du Canada. Du fait qu’ils sont accessibles dans les grandes et petites collectivités partout au Canada, ils rencontrent de plus en plus souvent les employés qui ont des problèmes de santé mentale ainsi que leurs familles. Depuis de nombreuses années, les programmes d’aide aux employés s’adressent aux travailleuses et travailleurs sociaux pour résoudre de tels problèmes de manière efficace et efficiente. Très souvent, ceux-ci sont les seuls professionnels que les gens consultent pour leur demander de les aider à régler leurs problèmes. Les recherches montrent que la clientèle est hautement satisfaite des consultations offertes par les travailleuses et travailleurs sociaux. Leur traitement est plus efficace parce que ceux-ci abordent de tels problèmes au moyen d’une perspective psychosociale unique : ils ne s’occupent pas seulement de la personne, mais aussi du contexte social dans lequel cette personne vit et travaille. Les travailleuses et travailleurs sociaux travaillent aussi au sein d’une équipe de santé mentale à laquelle participent les médecins, les hôpitaux et les organismes communautaires. Leur domaine de pratique englobe les problèmes liés au travail, l’alcoolisme et la toxicomanie, les problèmes conjugaux et familiaux ainsi que les troubles du comportement et les perturbations affectives.
Malheureusement, la plupart des régimes d’assurance collective ne remboursent pas les services de travail social, même si les consultations et les traitements sont dispensés à un prix très compétitif comparativement à d’autres professionnels dont les services sont payés par les régimes de santé collectifs. Toutefois, même si à peu près tous les assureurs ont des clients qui fournissent la couverture des services des travailleurs sociaux, la Loi de l’impôt sur le revenu ne considère pas les consultations des travailleurs sociaux comme un service médical, et pourtant, la réglementation de certaines provinces les traite comme des professionnels de la santé. Cela constitue un obstacle inutile à un recours plus fréquent aux services des travailleuses et travailleurs sociaux, et des efforts sont en cours pour harmoniser l’interprétation donnée à la loi par l’Agence des douanes et du revenu du Canada avec les normes et pratiques de traitement actuelles.
Les travailleuses et travailleurs sociaux sont responsables, compétents et accessibles, et leurs prix sont abordables pour les employeurs, les travailleurs et leurs familles. Ils sont un élément d’une solution globale permettant aux employeurs et aux assureurs de résoudre les problèmes de santé mentale au travail.
Les employeurs devraient continuer d’offrir les programmes de santé mentale actuels, mais ils devraient aussi, de même que les syndicats, investir dans des solutions à long terme qui améliorent de façon fondamentale le milieu de travail. Les travailleuses et travailleurs sociaux peuvent aider les personnes à affronter leur stress, leur milieu de travail et leur milieu familial, et ils peuvent participer à des équipes qui aident les organisations à lutter efficacement contre les facteurs qui provoquent tant de maladies et de blessures évitables.
Document de travail élaboré pour l’Initiative nationale du travail social par H3 Consulting, Toronto
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