Message de la présidente de l’ACTS
Toxicomanie et santé publique
Avant la pandémie de COVID-19, le Canada connaissait déjà une crise de surdoses — crise intensifiée par l’élargissement agressif des peines minimales obligatoires décrété en 2012 sous le gouvernement Harper. Cette approche de « répression de la criminalité » vouée à l’échec et motivée par des considérations idéologiques allait à l’encontre de toutes les données probantes en matière de santé publique. Elle a directement contribué au quasi-doublement du nombre d’Autochtones incarcérés dans des établissements fédéraux au Canada.
Malheureusement, en 2015, le gouvernement Harper a redoublé d’efforts pour criminaliser la consommation de drogues en rendant presque impossible l’ouverture de nouveaux centres d’injection supervisée, ce qui contribue directement à l’aggravation de la crise qui touche les personnes aux prises avec une dépendance aux opioïdes. Cette décision n’était pas fondée sur des preuves, mais plutôt sur une vision obstinée de la consommation de drogues comme activité criminelle.
Le passage de la criminalisation à une approche de santé publique en matière de consommation de drogues a commencé à changer en 2017 lorsque le gouvernement Trudeau a annoncé que la responsabilité de la politique fédérale en matière de drogues serait transférée du ministère de la Justice à celui de la Santé. De plus, le gouvernement du Canada a adopté une approche de santé publique à l’égard du cannabis avec sa légalisation.
Le gouvernement fédéral a depuis adopté tout un train de mesures positives pour s’éloigner de la criminalisation de la consommation problématique de drogues, notamment les changements législatifs qui ont facilité l’ouverture de nouveaux sites d’injection sécuritaires, le renouvellement de la réduction des méfaits comme pilier de la Stratégie canadienne antidrogue et l’adoption de la Loi sur les bons Samaritains secourant les victimes de surdose.
En 2019, le gouvernement actuel a fait un autre pas en apportant avec la modification du système de mise en liberté sous caution, laquelle a rétabli le pouvoir discrétionnaire des juges tout en renforçant les mesures visant à répondre à la violence entre partenaires intimes. En 2022, après une décennie d’approfondissement de la crise des opioïdes, le gouvernement Trudeau a abrogé les peines minimales obligatoires pour certaines infractions liées aux drogues.
Enfin, pour la première fois dans l’histoire du Canada, une ministre de la Santé mentale et de la Lutte contre les dépendances a été nommée au Cabinet fédéral. Elle a pour mandat de s’attaquer à la consommation problématique de drogues au Canada, entre autres en améliorant la sensibilisation du public afin de réduire la stigmatisation, en appuyant les provinces et les territoires et en collaborant avec les collectivités autochtones. Autant de mesures pour donner accès à une gamme complète de traitements fondés sur des données probantes et de programmes de réduction des méfaits, ainsi que pour normaliser les programmes de traitement de la toxicomanie.
En tant que porte-parole nationale de sa profession, l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) s’est appuyée sur les données probantes et la recherche en santé publique pour s’opposer aux peines minimales obligatoires et appuyer la décriminalisation de la consommation personnelle de drogues. Heureusement, le gouvernement actuel a choisi de suivre les données probantes et a récemment annoncé un projet pilote de trois ans impliquant une décriminalisation de la consommation personnelle de substances en Colombie-Britannique.
Dans un geste profondément troublant qui ne tient pas compte de la recherche et des preuves en matière de santé publique, l’opposition officielle du Canada cherche maintenant à abroger les changements qui ont fait passer à juste titre la consommation de substances psychoactives dans le domaine de la santé publique et à nous ramener à un système de mise en liberté sous caution qui affecte de façon disproportionnée les personnes en situation de pauvreté et d’oppression intersectionnelle. Il s’agit somme toute d’un retour à la guerre contre la drogue et les gens qui en consomment.
Le Canada est allé trop loin pour faire marche arrière. Au lieu de regarder en arrière, l’ACTS implore le gouvernement du Canada de continuer à aller de l’avant. En plus de la décriminalisation, il est temps de déstigmatiser en répondant au besoin d’un approvisionnement en drogues propres qui sauvera des vies.
Le rétablissement est un parcours différent pour chaque personne aux prises avec une consommation problématique. Ce n’est pas le temps de faire de la politique avec la vie des gens. Il n’y a pas de retour en arrière possible, il n’y a que l’avenir — un avenir qui sera plus équitable lorsque nous commencerons à aborder sérieusement les questions de substance telles que le logement, la sécurité alimentaire et le revenu de base, plutôt que la consommation de substances.
Joan Davis-Whelan, M.Serv.Soc., TSI
Présidente — Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux