L’honorable Jody Wilson-Raybould
Ministre de la Justice et procureure générale du Canada
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)
K1A 0A6
Madame la ministre Wilson-Raybould,
Au nom de l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) – l’association professionnelle nationale du service social au Canada, qui a pour mandat d’appuyer la profession et de promouvoir la justice sociale au pays – j’aimerais vous faire part de notre profonde déception à l’égard du fait que, avec le dépôt du projet de loi C-75, le gouvernement du Canada a choisi de ne pas se pencher sur le recours accru aux peines minimales obligatoires imposé par le gouvernement précédent.
De notre point de vue, cette grave omission contraste directement avec l’approche de santé publique fondée sur des données probantes que le gouvernement du Canada a adoptée pour s’attaquer aux problèmes sanitaires, économiques et sociaux les plus difficiles de notre pays.
À cette fin, en décembre 2016, le gouvernement du Canada a annoncé que la responsabilité de la politique fédérale sur les drogues était transférée du ministère de la Justice à celui de la Santé. Ce changement longtemps attendu par rapport aux politiques prohibitionnistes précédentes qui ont directement contribué à la crise actuelle des opioïdes a été applaudi.
De plus, les changements législatifs qui facilitent l’ouverture de nouveaux centres d’injection supervisée, le renouvellement de la réduction des méfaits en tant que pilier de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances et l’adoption de la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose ont été accueillis comme des mesures positives pour s’éloigner de la criminalisation de la toxicomanie.
Par conséquent, l’ACTS s’attendait à ce que l’examen du système de justice pénale du Canada poursuive ce virage culturel en santé publique en permettant à la magistrature de tenir compte des facteurs sociaux, économiques et culturels complexes de chaque cas et en éliminant la criminalisation des traumatismes et des dépendances.
Cette attente à l’égard des peines minimales obligatoires a été renforcée par l’engagement du gouvernement du Canada à respecter les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation (CVR), engagement que notre organisation appuie entièrement. Plus précisément, la CVR a demandé au gouvernement fédéral de « modifier le Code criminel pour permettre aux juges de première instance, lorsqu’ils en donnent des motifs, de s’écarter des peines minimales obligatoires et des restrictions sur le recours aux condamnations avec sursis ».
L’ACTS encourage fortement le gouvernement du Canada à respecter son engagement d’éliminer les peines minimales obligatoires. Si nous ne le faisons pas, surtout en ce qui concerne les peines minimales obligatoires liées à la possession de drogues, cela ne fera qu’aggraver le nombre de décès liés aux opioïdes dans le système correctionnel et dans la population en général, ainsi que miner d’autres mesures positives pour faire face à cette crise nationale.
Les investissements fondés sur des données probantes dans les collectivités et les services sociaux, les droits de la personne et la compassion sont plus efficaces que la punition. Il est temps que le Canada retrouve son statut de chef de file progressiste en matière de droits de la personne, reconnu à l’échelle internationale, et il peut commencer par rétablir le pouvoir discrétionnaire des juges pour veiller à ce que les Autochtones et les autres citoyens vulnérables aient la possibilité de guérir et de s’épanouir.
Cordialement
Jan Christianson-Wood
Présidente de l’ACTS
cc. Le très honorable Justin Trudeau, premier ministre du Canada
L’honorable Ginette Petitpas Taylor, ministre de la Santé
L’honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile
L’honorable Jane Philpott, ministre des Services aux Autochtones