Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux
Mémoire destiné aux consultations prébudgétaires de 2025
Août 2024
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Recommandations :
L’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) recommande au gouvernement fédéral de prendre les mesures suivantes pour maximiser l’impact des investissements fédéraux sur la santé, le bien-être social et économique des Canadiens, et pour renforcer la capacité du travail social à soutenir ces initiatives :
- Inclure comme promis les travailleuses et travailleurs sociaux dans le Programme canadien d’exonération des prêts d’études et affecter des fonds supplémentaires pour soutenir les communautés présentant des cas de force majeure ;
- Financer une étude sectorielle sur le travail social afin de compléter la planification continue des ressources humaines ;
- Inclure le travail social dans les initiatives fédérales de planification des ressources humaines.
Introduction
La pandémie de COVID-19 a révélé et amplifié les problèmes sanitaires, sociaux et économiques au Canada. Depuis, l’ACTS reconnaît que le gouvernement a entendu les appels au changement venus de tout le pays et salue les nombreux investissements et stratégies historiques qu’il a lancés pour un avenir meilleur.
Bien que le gouvernement n’ait pas instauré le Transfert permanent en matière de santé mentale promis en 2021, les accords bilatéraux de 25 milliards de dollars représentent un investissement important qui complète d’autres initiatives de ce mandat, notamment, la création du premier ministère de la Santé mentale, le lancement de la première stratégie officielle de réduction de la pauvreté, des investissements massifs dans le logement et la garde d’enfants, ainsi qu’un engagement global à utiliser une perspective d’ACS Plus dans la création de politiques.
L’ACTS applaudit les efforts du gouvernement pour éviter une nouvelle crise semblable à la pandémie de COVID-19. L’ACTS reconnaît l’engagement du gouvernement à mieux planifier pour répondre aux besoins actuels et futurs des Canadiens. Les temps d’attente pour la santé, la santé mentale et presque tous les autres services vitaux s’allongent, l’épidémie d’opioïdes persiste et les Canadiens réclament des changements significatifs pour les groupes autochtones, noirs et autres groupes marginalisés.
Nous saluons l’initiative visant à mesurer l’impact des fonds fédéraux. Avec les nombreux investissements dirigés vers les provinces pour diverses initiatives, il est temps de créer les conditions nécessaires, y compris des structures permanentes, pour garantir le succès et, surtout, vérifier sa réalisation.
L’endettement et l’inflation inquiètent. Gouvernements et citoyens s’en préoccupent. Il faut, en réponse, investir dans nos travailleuses et travailleurs sociaux. Ces professionnels polyvalents offrent un excellent rapport coût-efficacité. Nous exhortons le gouvernement fédéral à agir. Son soutien aux travailleuses et travailleurs sociaux améliorera les résultats sociaux. Il réduira les temps d’attente pour divers services : santé, santé mentale, toxicomanie, services sociaux. Les zones mal desservies et les groupes marginalisés en bénéficieront particulièrement. Les travailleuses et travailleurs sociaux sont essentiels à notre système de santé. Leur expertise doit être entendue. Chaque discussion sur l’amélioration des soins doit les inclure.
Recommandation 1 : Que le gouvernement donne suite à l’engagement d’inclure les travailleuses et travailleurs sociaux dans le Programme canadien d’exonération des prêts d’études et d’affecter des fonds supplémentaires pour soutenir les communautés ayant des cas de force majeure.
L’ACTS se réjouit de l’annonce du budget 2024 mentionnant l’admission des travailleuses et travailleurs sociaux dans ce programme. Bien que l’extension du programme ne commence qu’à la fin de 2025 et que ce temps soit dédié à l’élaboration de politiques spécifiques, l’ACTS encourage le gouvernement à envisager une augmentation du plafond de 30 000 habitants proposé pour l’éligibilité, au cas par cas, en fonction des circonstances aggravantes affectant certaines communautés.
Depuis l’annonce du budget de 2024, l’ACTS a entendu les inquiétudes des travailleuses et travailleurs sociaux dans des communautés de plus de 30 000 habitants. En raison de facteurs aggravants, ces communautés nécessitent justement le soutien de cette politique, visant à inciter les professionnels nouvellement formés à rester ou revenir chez eux après leurs études.
Prenons le cas de Prince Albert en Saskatchewan. Cette ville de 35 000 habitants, bien que techniquement exclue de ce programme potentiel, présente de nombreux atouts que le gouvernement devrait considérer en priorité. En tant que porte d’entrée du nord de la province, elle se trouve isolée, sans grandes villes à des centaines de kilomètres à la ronde. La population, bien que nombreuse, est très dispersée sur une vaste étendue. De plus, environ la moitié des résidents s’identifient comme autochtones, ce qui signifie que prioriser cette communauté contribuerait à l’engagement du Canada envers la réconciliation.
L’ACTS recommande que ce gouvernement alloue des fonds supplémentaires aux communautés légèrement au-dessus du plafond de 30 000 habitants. Ces communautés très éloignées des grandes agglomérations, dispersées sur de vastes territoires, comptent une population autochtone et/ou de nouveaux arrivants et/ou des groupes marginalisés. Elles servent également de points d’entrée vers les régions très septentrionales ou isolées du Canada. Cette mesure n’augmenterait pas significativement les coûts par rapport aux 84,3 millions de dollars annuels engagés dans l’expansion du programme canadien d’exonération des prêts d’études, mais aurait un impact considérable sur ces communautés.
Recommandation 2 : Que le gouvernement fédéral finance une étude complète du secteur du travail social.
La pénurie de personnel pèse lourdement sur le continuum des soins dans le système de santé canadien. Le gouvernement comprend bien cette crise des ressources humaines en santé, mais l’ACTS conseille d’inclure également les professions connexes comme le travail social. Pour l’heure, nous manquons de données appropriées pour traiter au mieux cette crise.
Nous peinons encore à évaluer le nombre ou la proportion de travailleuses et travailleurs sociaux œuvrant dans divers champs de pratique au Canada. Les informations clés sur la démographie, le marché du travail, l’éducation et la formation nous font défaut. Or, ces données sont cruciales, car les travailleuses et travailleurs sociaux interviennent dans divers contextes, notamment les soins de santé, pour aider les Canadiennes et Canadiens à atteindre le bien-être physique et mental. Pour garantir que la main-d’œuvre en travail social puisse répondre aux besoins actuels et futurs des Canadiennes et Canadiens, il est impératif de mener une étude sectorielle exhaustive sur le travail social.
Les travailleuses et travailleurs sociaux forment le groupe le plus nombreux et le plus polyvalent de praticiens en santé mentale au Canada. Pour l’illustrer, les données 2021 de l’ICIS révèlent la présence au pays de près de 20 000 psychologues, 11 000 thérapeutes-conseils/psychothérapeutes, 6 500 infirmières psychiatriques contre 60 000 travailleurs sociaux[1]. Grâce à leur vaste champ d’action, les travailleuses et travailleurs sociaux agissent en tant que professionnels réglementés, responsables et hautement qualifiés. Ils fournissent de nombreux services équivalents, voire supérieurs, à ceux des autres professions, souvent à un coût plus abordable.
Bien que nous ne disposions pas encore des données démographiques d’une étude sectorielle, nos chiffres montrent déjà que la profession du travail social est majoritairement féminine. De plus, de nombreux travailleurs et travailleuses sociaux appartiennent à des groupes privés d’équité. Nous savons aussi que les utilisateurs de services et les clients préfèrent souvent recevoir des soins d’un clinicien ou d’une clinicienne partageant leur origine démographique, ce qui améliore leurs résultats sanitaires et sociaux.
Investir dans une étude du secteur du travail social est crucial pour l’équité. Soutenir, mesurer et renforcer les travailleurs et travailleuses sociaux des groupes privés d’équité sont des actions essentielles. Obtenir les données nécessaires démontrera pourquoi une stratégie ciblée est indispensable pour augmenter leur nombre.
Les travailleuses et travailleurs sociaux inscrits (TSI) jouent des rôles cruciaux dans nos communautés : des hôpitaux à la santé mentale, en passant par la protection de l’enfance, les soins de santé et la toxicomanie. Membres à part entière des équipes interdisciplinaires de soins de santé, ils nécessitent une étude sectorielle pour garantir que la main-d’œuvre professionnelle du travail social réponde aux besoins sanitaires et sociaux croissants du Canada. Le Conseil canadien de réglementation du travail social (CCRTS), l’Association canadienne pour la formation en travail social (ACFTS) et l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) reconnaissent unanimement l’importance d’une étude sectorielle complète et sont prêts à collaborer avec le gouvernement du Canada pour réaliser cette initiative.
La dernière étude sur le secteur du travail social a été publiée il y a près de 25 ans. En 2000, en partenariat avec des organisations universitaires, professionnelles et du secteur des services, Le travail social au Canada : une profession essentielle[2] a exploré les questions et les données démographiques dans le secteur des services sociaux pour soutenir le développement d’une stratégie de ressources humaines à long terme. Aujourd’hui, une stratégie de ressources humaines en travail social est plus essentielle que jamais pour améliorer les systèmes canadiens de santé et de services sociaux..
L’ACTS salue l’opportunité offerte par le Programme de solutions pour la main-d’œuvre sectorielle (PSMS) d’Emploi et Développement social Canada (EDSC). Elle a soumis une demande de financement pour ce projet indispensable. Cependant, les services de santé et sociaux au Canada ne peuvent continuer — et ne prospéreront certainement pas — sans les informations qu’une étude sectorielle fournirait. Si le PSMS manque de ressources pour financer tous les projets de santé et de ressources humaines nécessaires, d’autres sources doivent être mobilisées.
Budget demandé : 850 000 $
Recommandation 3 : Inclure la profession de travailleuses et de travailleur social dans les initiatives fédérales existantes de planification des ressources humaines.
L’ACTS salue l’initiative visant à planifier un avenir meilleur pour la santé des Canadiens. Cet effort se matérialise par l’investissement récent de 47 millions de dollars dans la recherche, la planification et les données sur le personnel de santé. L’ACTS remarque notamment les 22,5 millions de dollars alloués à Effectif de la santé Canada pour évaluer et combler les principales lacunes de la planification du personnel de santé, ainsi que les 11,6 millions de dollars attribués aux Instituts de recherche en santé du Canada et à leurs partenaires pour renforcer et soutenir le personnel de santé au Canada.
Les travailleuses et travailleurs sociaux, principaux fournisseurs de soins de santé mentale au Canada, sont pourtant absents de ces initiatives. Le Canada ne parviendra pas à améliorer ses soins de santé et ses services sociaux si seuls les médecins et les infirmières participent à ces discussions.
Le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances a publié des données à la fin de juin 2024 du projet Coût et méfaits de la consommation de substances au Canada (CMCSC) qui ont montré que le coût de la perte de productivité liée à la consommation de substances et aux problèmes de santé mentale connexes est évalué à 22,4 milliards de dollars par an[3]. Nous ne pouvons plus ne pas répondre aux besoins des Canadiens en matière de services de santé, de santé mentale et de toxicomanie : les coûts fiscaux et humains sont beaucoup trop élevés.
Reconnaissons que la santé des Canadiens dépend de nombreuses facettes de leur bien-être et que médecins et infirmières collaborent souvent avec d’autres professionnels. Les professions connexes, comme le travail social, doivent donc être suivies et mesurées aux côtés des médecins et des infirmières. Sans une mesure adéquate, l’impact des investissements de ce gouvernement ne peut être pleinement déterminé, et les succès risquent de ne pas se répéter. Tous les investissements doivent s’accompagner d’initiatives, de responsabilisation et de collecte de données robustes.
La plupart des médecins et infirmières exercent dans des environnements traditionnels financés par la province. Se limiter à mesurer leurs activités et leur impact négligerait une partie importante du paysage de la santé au Canada : les services communautaires et ceux des secteurs privé et étendu. Il faut également évaluer l’impact de ces praticiens pour identifier les lacunes à combler.
Un financement soutenu, via l’ICIS ou d’autres organismes, doit habiliter la profession de travailleur social à instaurer une norme de données minimale. La collecte régulière de données sur les travailleurs sociaux et le personnel de santé est essentielle pour une planification efficace de la main-d’œuvre future.
Profil de l’ACTS
L’Association canadienne des travailleuses et des travailleurs sociaux (ACTS) est l’association professionnelle nationale du service social au Canada. Fondée en 1926, l’ACTS est une fédération nationale composée de 10 organisations partenaires dans les provinces et les territoires et d’un bureau national.
[1] Données tirées de la publication de l’ICIS intitulée La main-d’œuvre dans le secteur de la santé au Canada, 2017 à 2021 : Aperçu — Tableaux de données : https://www.cihi.ca/sites/default/files/document/health-workforce-canada-2017-2021-overview-data-tables-en.xlsx
[2] Stephenson, Marylee, Gilles Rondeau, Jean-Claude Michaud et Sid Fiddler. « Le Travail social au Canada : une profession essentielle Volume 1— Rapport final. » 2000, Association canadienne des travailleuses et des travailleurs sociaux. https://www.casw-acts.ca/files/attachements/in_critical_demand_social_wo....
[3] Accéder et examiner les données du projet canadien sur les coûts et les méfaits de la consommation de substances : https://csuch.ca/?_cldee=5J2Ced6JL0RFiBHOvZxUQ6MGNwlpLs1li5wRJzqA6xR2Ce2P9igeEy0kaQbEZBH2& recipientid=&contact-a5374aaa111ee7118111480fcfeab9c1-120799a2e28b4d6290a21682198bdfba esid=57a0e4d5-af2d-ef11-8e50-000d3ae9a76d